Assemblée du désert 2025
C’est « notre » dimanche, le premier de septembre. A Mialet, nous sommes chez nous, au cœur du Gardois rebelle, des milliers, qui faisons de ce moutonnement de pins une cathédrale, la plus belle en notre cœur, solide de notre foi, vivante de notre souvenir.
On ne se presse pas, on monte ou on descend, le pliant sous le bras, les jeunes aidant les vieux – et il y en a, des vieux ! – les éclaireurs unionistes faisant de leur mieux, on retrouve enfin le coin de l’année passée, parfois des connaissances. Les pliants se déplient – c’est leur vocation – et rangent parfaitement sans qu’il soit besoin de service d’ordre, ni de maître de cérémonie. Il se constitue une arène presque parfaite, qui, à, présent que l’heure approche, bruit sourdement. On échange, sans se connaître, jeunes et vieux, proches Nîmois, lointains Néerlandais. Les psaumes montent de la clairière Célébrez Dieu, rendez -lui grâce, Bénis ton Dieu, Mon Dieu mon Père, écoute-moi. Deux maîtres de chorale, une femme, un homme, battent la mesure des deux bras, lentement agités, tels des moissonneurs de la foi.
Il est en chacun de nous, nous le savons, à présent que le silence se fait et que par le chemin rocailleux, qui descend vers la clairière centrale, apparaît le cortège des robes noires, des prédicants.
Des sauveurs de notre foi, quand il fallait fuir, se cacher des dragons du roi, pire encore abjurer, se faire arracher les enfants. Mais les sabres et les fusils n’ont rien réglé, Françoise d’Aubigné qui a trahi son père et tous les siens a perdu : ils sont là, des milliers, rayonnants de bonheur, émus comme des gosses, ces huguenots de tous les triomphes. En voyant passer devant moi, deux par deux, le livre noir sous le bras, graves et sereins, pasteurs et pasteures, la foule frissonne, les poitrines se gonflent d’une émotion reconnaissante, il suffirait de rien pour qu’éclatent des sanglots.
C’est Le moment, celui que sont venus chercher ces porteurs de croix huguenotes, c’est la fraternité d’une belle assemblée, c’est la fierté d’appartenir à ce monde qu’il nous revient d’ouvrir. Le pasteur Krieger nous fait face. Il commence l’invocation. D’un coup, des vociférations, celles d’un énergumène barbu en habit blanc que je ne vois pas très bien, qui fait face au prédicateur, et hurle des mots qu’emporte notre sérénité. Le moment aurait pu être délicat, il aurait peut-être fallu user de la force pour faire taire ce perturbateur, cela n’est pas nécessaire. Je ne sais pas comment, mais on s’est saisi de lui, des gendarmes l’empoignent. Le culte peut commencer.
Il est simple, il est beau, il est nôtre. Les cantiques s’enchaînent, la prédication est rigoureuse et claire. Sans emphase, ni oubli. Quand vient la Cène, les pasteurs se dirigent vers les petites tables et prennent les assiettes déjà prêtes. Celui qui me tend un morceau de pain me paraît extraordinairement bon. Pourquoi ? je l’ignore.
Autour de nous, les fidèles attendent sagement dans ce qui serait une belle pagaille en tout autre lieu, en toute autre circonstance. Mais non, on attend tranquillement son tour. On regagne son pliant et on attend l’offrande. Les billets sortent des portefeuilles. La somme sera rondelette.
Quand éclate A toi la gloire, je consulte ma montre, presque deux heures. Pourtant, nous n’avons pas envie de partir. Un peu plus tard, sur le chemin du parking improvisé, quelques tables où se distribuent Réforme et la Cause.J’engage la conversation avec l’homme qui me fait face ; je lui dis que j’ai eu l’occasion de parler devant ses membres, voici quelques années, à la demande du pasteur Vassaud. Lui aussi est pasteur, il s‘appelle Julien. Il connaît Mathilde.
Elle aussi partage alors avec nous ce moment de ferveur que nous revivrons l’année prochaine.
Si Dieu veut, « si Bon Dieu vlé »
Yves BONNET